1. La Fonky Family est née de la réunion de deux groupes de rappeurs : les Black & White Zulus de Menzo et du Rat Luciano, et Le rythme et la rime de Sat et de Don Choa, auquel étaient affiliés Pone, le beatmaker, et Djel, le DJ.

2. Au sein des Black & White, les pseudonymes de Menzo et du Rat Luciano étaient Daddy Mammadi et Don Carmone.

3. Pone et Don Choa ne sont pas originaires de Marseille, mais de Toulouse.

4. Dans sa première monture, la Fonky Family comprenait également Namor, un activiste du rap marseillais qui a guidé leurs premiers pas, deux danseurs, dont Fel, le septième membre qui plus tard prendra parfois le micro, et la chanteuse Karima.

5. C’est à l’occasion d’une première partie d’un concert du groupe suisse Sens Unik donné à Marseille en 1994 que les deux entités ont fusionné.

L’idée leur avait été proposée par le centre culturel que fréquentaient Pone et Le Rat Luciano.

6. C’est Le Rat Luciano qui a trouvé le nom Fonky Family, une référence aux samples de funk qu’affectionnait particulièrement Pone à cette époque (Kool & The Gang, Parliament, George Clinton…).

7. La Fonky Family a toutefois profondément changé d’orientation musicale le jour où ce même Pone a découvert Enter The Wu-Tang du Wu-Tang Clan.

Sat : « On s’est dit que ces gars-là étaient dans le vrai. À partir de là, que ça soit dans notre écriture ou dans le choix des samples de Pone, il y a eu un virage. On est devenu plus durs, plus sombres, plus personnels. »

8. Cette identité nouvelle a précipité le départ de Karima.

Sat : « Le truc, c’est que depuis qu’on avait pris ce virage, elle avait de plus en plus de mal à trouver sa place dans l’équipe, jusqu’au moment où s’est rendu compte que c’était plus la peine… Ça s’est terminé froidement. Elle a voulu arrêter le chant pour se mettre au rap mais ça ne collait pas. »

9. Aussi incroyable que cela puisse paraître, bien que DJ du groupe, Djel n’avait au départ pas de platine !

Galère oblige, il les a longtemps louées ou se les faisait prêter.

Ce n’est qu’après avoir touché sa première avance pour Si Dieu veut…, alors que l’album était déjà sorti, qu’il a enfin pu avoir son propre matériel.

10. Le tout premier disque que Pone a acheté a été la bande originale de Rocky 3 : L’Œil du tigre.

Très ironiquement, en 2001, 19 ans après la sortie du film de Sylvester Stallone, il samplera l’un de ses morceaux pour composer Haute Tension.

11. Lors des premiers concerts du groupe, l’ambiance était à la débrouille : il arrivait que les membres du groupe volent des roues pour les monter sur leur camion de tournée.

12. Bad Boys de Marseille est le tout premier morceau studio de la Fonky Family.

Présent sur l’album Métèque et Mat d’Akhenaton (1995), il a été enregistré à Naples.

13. La seconde version de Bad Boys de Marseille a été elle enregistrée à New-York.

Sentant qu’il tenait un hit en puissance, AKH a fait le forcing auprès de Delabel, sa maison de disques, pour que non seulement l’album soit réédité, mais aussi pour qu’un clip soit tourné sur place avec les quatre rappeurs du groupe.

Venus initialement à New York pour quelques jours, Sat, Menzo, Luciano et Choa ont ainsi passé un mois complet aux States.

14. L’effet du clip de Bad Boys de Marseille a été obtenu en tournant les playbacks et gestuelles au ralenti, puis en accélérant les images.

15. Beaucoup moins connue, il existe une troisième version de Bad Boys de Marseille, une version dite « sauvage ». Moins formatée que les précédentes, plus freestyle, elle invite au micro, Bruizza, un rappeur du Queens rencontré sur place par Akhenaton.

16. Lors de leur séjour newyorkais, IAM a fait écouter la première de version de L’école du micro d’argent à nos quatre lascars, puis les a chargés de noter et commenter par écrit chacun des titres !

17. Mais au fait, qu’est-ce que peut bien vouloir dire la ligne « Oublie la frime, comprend j’envoie mes rimes comme des cinq francs » de Don Choa ?

En argot sudiste, un « cinq francs » ce sont les cinq doigts de la main. « Envoyer un cinq francs », c’est balancer une gifle ou un coup de poing.

18. Sat a dû attendre un petit bout de temps avant de goûter aux retombées financières de Bad Boys de Marseille : plutôt que de le payer lui, la Sacem envoyait ses royautés à un homonyme !

« Au téléphone on me prenait pour un con donc j’ai dû monter sur Paris récupérer mon fric. Et j’ai souvenir d’être monté debout sur le bureau du mec de la Sacem en le menaçant avec le moniteur de son ordinateur au-dessus de sa tête ! Et du coup, je suis vite payé. Comme quoi, c’est pas toujours la diplomatie qui fonctionne ! »

19. Lors de l’enregistrement de Si Dieu veut…, Fel croupissait derrière les barreaux – supposément pour un incident qui a eu lieu lors d’un déplacement du groupe à Nice.

Surnommé à l’époque Blaze, il est mentionné à deux reprises sur le disque : par Sat au début de son solo Verset II (« Pour Laoubi dit Blaze, bienvenue à la base, on représente toute la nuit »), puis par Menzo sur Aux absents (« Je place une dédicace pour mon frère Blaze, dans mon cœur »).

20. Déroutante de prime abord, la pochette de Si Dieu veut… symbolise « L’argent, la boisson, la fumée et les femmes ».

Loin d’avoir fait l’unanimité au sein du groupe, elle a été adoptée en raison des délais.

21. Mais comment Mario Rodriguez, l’ingénieur du son de Mobb Deep, Mary J. Blige, LL Cool J ou encore Notorious BIG, s’est-il retrouvé sur Si Dieu veut… ?

Et bien tout simplement parce que Pone, qui avait pour habitude d’examiner à la loupe les crédits des artistes qu’il écoutait, a exigé de la maison de disque qu’il soit celui qui mixe l’album.

22. Si Cherche pas à comprendre coupe au milieu du couplet de Sat avant de redémarrer, c’est tout simplement parce que l’instru ne durait pas assez longtemps pour tout le monde pose.

Pone, qui n’avait pas son matériel avec lui le jour de l’enregistrement, a donc décidé de la faire tourner deux fois d’affilée.

23. L’impact de Cherche pas à comprendre a été tel, que même après la fin de l’aventure F.F., Sat continuait à jouer le titre en concert.

« Le son part, les gens rappent. La magie opère immédiatement. Aujourd’hui encore, quand je tends mon micro au public, il connaît les paroles par cœur. »

Il faut aussi avouer que son couplet était particulièrement efficace.

24. Si sur Sans rémission, l’expression « opération coup de poing » revient très régulièrement, c’est parce que le morceau a été initialement enregistré pour la mixtape Opération : coup de poing – sortie sur le label Passe-Passe en 1997, elle conviait notamment Rohff, Ali ou Oxmo Puccino.

Le groupe a cependant tellement kiffé le morceau qu’il a de nouveau été proposé sur l’album, puis clippé plus d’un an après sa conception.

25. Tu Nous Connais fait partie des morceaux de Si Dieu veut… qui échappe à la structure traditionnelle couplets/refrain.

L’idée était d’adapter la structure au thème. Tous les couplets s’enchaînent sans discontinuer, et le refrain arrive à la fin.

Ou pour citer Pone : « Tu nous as tous écoutés, et maintenant tu nous connais ».

26. Assez éloigné de leur image street, le clip de La furie et la foi, le premier single de l’album, n’a guère plu aux membres du groupe qui « pendant longtemps ont cherché le réalisateur pour lui faire la peau ».

27. Bien que Si Dieu Veut… se soit très vite écoulé à plus de 200 000 exemplaires (un score conséquent à la fin des années 90), Pone ne croyait absolument pas en ses chances commerciales.

« Je me disais qu’on avait fait un bon album, mais qu’on n’allait pas en vendre. Pour moi, on n’avait pas de singles, on avait un clip pourri, et on a fait des morceaux de cinq ou six minutes. Je me suis dit : ‘Si on en vend 25.000, c’est magnifique’. »

28. Lors d’un concert donné à Nice, le groupe s’est retrouvé barricadé dans les loges afin d’échapper à une partie du public décidée à en découdre.

Tandis que certains spectateurs avaient plus tôt envahi la scène, le manager du Troisième Œil avait malencontreusement frappé au visage une figure du quartier où se déroulait le concert.

Djel : « Les gens l’ont mal pris et la salle s’est retournée contre nous. On s’est retrouvés seuls à devoir se battre avec tous ces gens qui voulaient notre peau. On s’est barricadés dans les loges avec les barrières, et quand il a fallu se défendre, on s’est défendu avec ce qu’on trouvait. Il y a eu des coups de poings, de fourchette, ça courrait dans tous les sens, j’ai même vu le Rat frapper quelqu’un avec un extincteur. »

« Ça s’est fini dans un nuage de lacrymogène balancé par les CRS pendant qu’on se cassait (…) Finalement, je pense que ça nous a servi, car pas mal de monde s’est dit après cet incident : ‘Ces mecs ont des couilles’. On a été vus pour ce qu’on était : des mecs de trente kilos chacun mais qui ne se laissent pas marcher dessus. »

29. Entre la sortie de Si Dieu veut… (1998) et celle de son solo Mode de vie… Béton style (2000), Le Rat Luciano a intégralement dépensé l’argent qu’il a gagné, principalement dans de la hi-fi et des consoles.

30. Porté aux nus par le public et la critique, Mode de vie… Béton style aurait-il pu être bien meilleur ? L’intéressé pense que oui.

« Le dernier jour de studio, j’ai enregistré l’intro, le dernier morceau et ‘Niquer le bénef’. Sauf qu’à ce moment-là, je me suis dit ‘Merde, mon album il commence maintenant’. Le problème, c’est que c’était mort. Je devais quitter le studio. Je pense que c’est mon seul regret, d’avoir eu la fulgurance et l’envie seulement à la fin. »

C’est notamment pour cette raison, et pour ne pas empiéter sur la tournée d’Art de rue qui commençait, que Le Rat a coupé court à la campagne promotion de Mode de vie… Béton style.

31. Sur l’EP Hors-Série Volume 1, Sans titre s’attaque de manière larvée à IAM avec qui les relations se sont tendues au fil du temps – Cf. entre autres « Comme un ami qui t’arrache le cœur et l’bouffe/En quel honneur on m’appelle p’tit frère/Y a personne au-dessus de moi »

La réaction d’IAM dixit Pone ? « On savait que l’impact ferait mal, mais ils ont réagi comme on doit le faire face à des chiens fous quand on est des sages. Ils nous ont ignorés. »

32. L’accélération du rythme des instrus entre Si Dieu veut… à Art de rue s’explique notamment par le fait que les rappeurs du groupe s’ennuyaient ferme sur scène.

Sat : « Cet album, on l’a adoré, sauf au moment de partir en tournée parce qu’on s’est rendu compte qu’on n’avait rien pour la scène. Hormis ‘Sans rémission’, c’était pas des morceaux qui se prêtaient à ça. Ils étaient trop lents, trop longs… Sur scène, on se faisait chier. »

33. Nique tout, le premier single de Art de rue, a-t-il été un gros malentendu ?

Compris par une partie du public comme un hymne à la petite délinquance et au vandalisme, dans l’esprit du groupe ce titre incitait au contraire à aller de l’avant, à se surpasser – « Fais un truc ! Nique tout, montre que t’es un bon ! ».

34. Autre morceau, dont l’influence a dépassé le groupe, Le retour du Shit Squad, où en compagnie d’Akhenaton, Faf La Rage, K.Rhyme Le Roi, Freeman et Troisième Œil, ils faisaient l’apologie de la fumette.

Sat : « J’ai le souvenir dans mon quartier de voir des petits de 10 piges me demander de les faire fumer. Et quand tu leur dis de se casser, ils te répondent Mais d’où tu me dis de me casser, c’est vous qui nous dîtes : ‘Fumes, fumes, fumes avant que la vie te fume !’ »

« Après, moi, pour ma part je ne regrette pas. Mais c’était une blague, on pensait pas que ça irait aussi loin. À l’origine le titre était sorti en maxi vinyle, pressé à 1 000 exemplaires. On pensait que ça tournerait dans le milieu hip-hop et puis basta ! »

35. Entre Si Dieu veut… et Art de rue, Sat sonne complémentent différemment, et pour cause : au cours des trois ans qui séparent ces deux albums, sa voix a mué !

36. Warnings, l’un des plus gros hits de la Fonky Family, a été enregistré presque par accident.

Tandis que le groupe terminait Hors-série Volume 2, il leur restait une après-midi de studio déjà payée. Le Rat fait alors écouter à Sat une prod’ qu’il a composé la veille. Inspiré, ce dernier lui raconte l’une de ses dernières soirées… Quelques heures plus tard, l’enregistrement et le mix étaient bouclés !

37. Malgré le succès, Pone est resté vivre à Belsunce, un quartier populaire de Marseille, jusqu’en 2006.

« En 1999, on habitait encore à Belsunce avec Choa et Djel. On a été double disque d’or, sur Si Dieu veut et le Hors-série Volume 1, je sortais de l’album du Rat, et on n’avait pas de télé, je dormais sur un matelas par terre au sol. Je me suis acheté une télé seulement pour l’Euro 2000, une petite carré, on aurait cru un minitel. J’ai quitté Belsunce seulement en 2006. »

38. Au printemps 2019, Karima est décédée à 46 ans des suites d’une longue maladie. L’annonce n’a été faite qu’en 2020.

Dans les colonnes du Parisien, l’un de ses amis s’est confié sur son parcours après le carton Bad Boys de Marseille.

« Depuis ‘Métèque et mat’, l’album d’Akhenaton, il ne se passait plus rien. Elle a trouvé un travail comme aide à domicile et elle s’est aussi occupée de ses parents âgés pendant un temps, racontait-il. Au niveau artistique, elle n’a pas eu la chance de rebondir. Elle a très mal vécu cette période au point d’avoir le morceau et le clip de ‘Bad Boys de Marseille’ en horreur et a passé dix ans à recevoir des fausses promesses. »

39. Dix ans après leur dernière apparition sur scène, la Fonky Family s’est réunie le 19 septembre 2015 pour un concert de soutien à Pone.

Peu de temps avant, ce dernier avait révélé être atteint de la maladie de Charcot, une maladie dégénérative qui à terme provoque une paralysie générale.

Malgré la mise en vente des billets en pleine période estivale, le concert affiche complet en deux petits jours.

Les images de l’évènement sont disponibles ici.

40. Sat s’est aujourd’hui reconverti comme manager de communauté et attaché de presse auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône.

Après quatre albums solo sortis entre 2002 et 2010, l’Artificier a mis sa carrière entre parenthèses pour officier tout d’abord comme journaliste sportif sur OMtv, puis comme CM de l’Olympique de Marseille de 2013 à 2015.

Vous pouvez même le retrouver sur Linkedin !

Sources principales : les interviews fleuve de Sat, Pone et Djel conduits par l’Abcdr du Son, l’interview en trois parties du Rat Luciano pour Konbini.

Source Google News – Cliquez pour lire l’article original

Marseille envahit : 40 anecdotes de légende sur la Fonky Family – Booska-p
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